Jeudi 25 octobre 2001 |
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Avant
la pêche aux voix, la chasse aux jeunes |
Priorité des partis avant les
législatives : rajeunir leurs cadres en présentant de nouvelles têtes, des femmes et
des militants associatifs. Engagez--vous ! par STÉPHÈNE
JOURDAIN
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Une fois n'est pas coutume : le monde
politique adopte les méthodes du privé. Fondée en juin dernier par trois jeunes du RPR,
l'association Génération terrain se veut chasseur de têtes pour les partis de droite.
Son objectif pour février 2002 : détecter grâce aux techniques des recruteurs
professionnels - petites annonces, Internet, bouche-à-oreille, sélection sur CV et
entretien - 21 candidats potentiels inconnus du grand public, un vivier électoral pour la
droite aux législatives. « Les électeurs en ont assez de voter toujours pour les mêmes
têtes », souligne son fondateur, Pierre Vallet, 32 ans. Et les militants en ont ras le
bol des rôles de petites mains et des investitures par copinage... Depuis 1984, l'âge
moyen des politiques français est passé de 45 à 59 ans, ce qui traduit « une absence
presque parfaite de renouvellement », selon le sociologue Louis Chauvel (1). Or les
militants et l'électorat ont de plus en plus de mal à se reconnaître dans des leaders
sexagénaires. « A quand le premier beur à l'Assemblée ? A quand des élus patrons
d'entreprise ? » s'interroge Pierre Vallet, en rappelant que « renouveler, c'est
rajeunir mais aussi féminiser, diversifier les origines sociales, professionnelles ou
ethniques ». Et demain ? Qui reprendra le flambeau au PS, où 5 % à peine des adhérents
ont moins de 30 ans ; au PC, où la proportion de jeunes a été divisée par deux en
vingt ans ? La double échéance électorale de 2002 devrait servir d'électrochoc. Le « renouvellement des élites » est déjà sur toutes les lèvres. « Si nous ne le faisons pas, les électeurs le feront », prévient Maurice Leroy, délégué général de l'UDF. Chargé de l'animation et du renouveau, tels ces « responsables diversité », qui à IBM ou Coca-Cola veillent à la pluralité des origines des salariés, il exhorte tous les cadres politiques à rénover leurs équipes. La chasse aux nouvelles têtes a démarré. A gauche comme à droite, on cherche à s'attacher les « hauts potentiels ». Tous les viviers sont écumés. « Le principal, ce sont les jeunes militants », affirme Benoît Hamon, 34 ans, ancien président du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) et membre du bureau national du PS, lequel compte sept trentenaires. « Plus de la moitié des anciens du MJS aujourd'hui au PS ont des responsabilités. 150 d'entre eux sont secrétaires de section », calcule pour sa part Gwenegan Bui, son président. Mais, à l'heure de l'antimondialisation, c'est au milieu associatif que les partis font les yeux doux. « Ils ont besoin de fond. Or les idées viennent de là », explique Clémentine Autain, 28 ans, fondatrice de Mix-Cité (2) et conseillère de Paris. Le PC l'a convaincue de se présenter aux dernières municipales : « Je suis jeune, femme et militante d'association ; je cumulais trois qualités », se moque-t--elle. Deuxième vivier de recrutement, les « experts », archidiplômés au parcours professionnel sans faute, avec une compétence reconnue et un réseau. Valérie Pécresse, conseillère d'Etat, est de ceux-là. A 34 ans, elle est spécialiste multimédia de l'Elysée. Ou encore Nathalie Kosciusko-Morizet, 28 ans, cadre à Alstom, qui, une fois par mois, met son expertise écologique au service du président. En phase avec la société (ils prennent le métro et ont des soucis de crèche), ces jeunes loups sont d'excellent conseil. Chaque élu a ainsi ses « têtes chercheuses » qui débusquent des graines d'élite. Certes, comme le souligne Pierre Guelman, le conseiller parlementaire de Lionel Jospin, « des intellectuels sollicités pour leur regard extérieur n'ont pas vocation à faire de la politique ». Mais pour ceux qui le souhaitent, la voie est tracée. « Certains pourraient peut-être obtenir une investiture en 2002 », reconnaît Jérôme Monod, conseiller spécial du chef de l'Etat. Pas toujours suffisant pour les motiver. « La plupart ne s'intéressent pas à un programme idéologique et global ou au militantisme. Ils entrent en politique pour résoudre un problème précis qu'ils ont », constate Christophe Hodé, 29 ans, secrétaire général de la Jeunesse communiste (JC). Du coup, le PC va créer des groupes de projets, sur les sans-papiers, la mondialisation. Histoire d'alléger les procédures. Autre outil de motivation redécouvert par les partis : la formation. Depuis deux ans, le PS ouvre largement son école des cadres aux jeunes : le MJS participe à 50 % au comité de pilotage et y envoie la moitié des participants. A contrario, au RPR, la fermeture au bout d'un an de l'école mise en place par Philippe Séguin pourrait bien témoigner d'une difficulté à se renouveler. « A 30 ans, on nous croit incapables d'autre chose que d'assurer la logistique de campagne », se désole Corinne Fayolle, 34 ans, qui a fondé son propre cercle de réflexion, Dynamique républicaine (500 adhérents). Mais le RPR a mis un an à la convier à ses groupes de travail. Donner aux nouveaux venus des responsabilités est pourtant la clef de leur fidélisation. Les Verts montrent l'exemple : leur porte-parole, Stéphane Pocrain, a 28 ans (dont trois au parti), tandis que leur président au conseil de Paris, Christophe Najdovski, 32 ans, est le plus jeune des huit présidents de groupe. « C'est plus facile de percer dans un parti récent et petit comme le nôtre », allègue ce dernier. Le PC, lui, a ouvert les portes de son comité exécutif de 45 membres à une dizaine de trentenaires et imposé la parité dans ses instances. Reste le plus délicat : les investitures électorales. Les leaders peuvent répéter, à l'instar de François Bayrou, qu'ils « veilleront sérieusement au renouvellement », leur influence est restreinte. « Dans certains cas, il pourra y avoir des négociations », admet, confiant, le secrétaire national aux élections du PS, Bruno Leroux. Il se dit convaincu que la dynamique de renouvellement impulsée aux dernières municipales par la loi sur la parité et le non-cumul des mandats est irréversible. Corinne Fayolle, elle, est plus sceptique : « On va nous brandir en argument électoral. Mais, après les élections, le thème du renouvellement retombera comme un soufflé. » Jusqu'à ce qu'il soit trop tard ? (1) « Les Nouvelles Générations sacrifiées », note pour le club Démocratie Egalité, septembre 2001. (2) Association mixte pour la parité . |