![]() |
Dynamite Républicaine |
Corinne Fayolle, 34 ans, ose croire que "la valeur nattend pas le nombre des années" et entend bien le démontrer. | |
Mon CV (format pdf) | |
Mes trois propositions |
Il la toisait et lui dit: "Vous savez, Mademoiselle Fayolle, on ne fait pas un élu à partir de rien." Qui était-il pour lui lancer pareille réplique ? Qui était ce sombre et irremplaçable édile vantant son bagage lair désabusé, quand il nétait peut-être rien dautre que bien né, serviteur, héritier ou mangeur de chapeau professionnel Elle a l'élégance de l'avoir oublié. Mais la phrase est restée, cinglante, humiliante, symbolique d'un pays où tout est figé, où les gens sont "sous cloche" comme elle dit. Savait-il seulement à qui il avait affaire cet élu magnifique ? Non, il jugeait sans savoir, sûr de son flair, comme partout ou presque dans ces bureaux là où les faisceaux dapparences emportent le jugement. Mais cette insupportable odeur de rance, de naphtaline, qui flotte autour de ces "Costards" pompidoliens peignés à léponge, Corinne sen moque. Si elle est là, cest que maintenant, elle sait encaisser ce mépris habillé de condescendance et elle fera tout pour le surmonter, labattre. Elle a confiance. Il nen a pas toujours été ainsi. Au sortir des études, elle la vite vu, tout était programmé, réglé davance, succès et échecs, tout était inscrit. Et sans doute 1992, 93 nétaient pas de bonnes années pour démarrer dans la vie. Alors, toute jeune épouse avec son tout jeune mari, ils sont partis, vers ce monde nouveau francophone, vers le Québec, son Amérique à elle. Là-bas, tout était possible Un drôle de voyage de noces, avec un visa de résident permanent, une petite valise, pas de boulot, pas de logement et ce souvenir cuisant de larrivée à laéroport de Montréal où chaque avion qui décollait, qui partait peut-être vers la France, vous mettait le froid dans le cur, un petit coup de poignard. Ces voyageurs là retournaient au pays, navaient pas renoncé, ou pire encore, partaient pour saccomplir. Et lhiver québécois sest posé sur ce jeune couple. Une drôle dexpérience "pas si drôle", une expatriation initiatique qui leur permettra de redécouvrir la France, parce que c'est en tentant de s'éloigner de ses racines que l'on saperçoit qu'elles sont profondes. Les mois ont passé, et dans leur tête, les tourtereaux expatriés ont fini immigrés avec cette nostalgie qui vous tient, vous bouscule, vous opprime et vous lie à jamais à votre pays. Ils ont tenu deux ans. Puis un beau jour, eux aussi ont repris courage et sont montés dans lavion. Retour à Paris. Travail de nuit à laéroport de Roissy. Un métier dont elle ne dira rien lors de ses entretiens dembauche ultérieurs parce que "cest comme ça quon vous catalogue et quon oublie le reste de votre CV." Puis, c'est le hasard d'une rencontre avec la Sorbonne, parce qu'elle visitait Paris, parce que la porte était ouverte, parce que son cerveau rouillait. Alors elle l'a fait dérouiller. Corinne devient Docteur de la Sorbonne en Histoire contemporaine, spécialiste de lévolution du droit aérien et des questions aéronautiques internationales depuis laprès-guerre, membre du CIRRES, de Femmes, débats et société, vice-présidente de Population et Avenir, rédige un essai remarqué sur le combat de Victor Schoelcher contre lesclavage. Enfin, comme cela ne suffit pas, elle fonde Dynamique Républicaine, son "bébé". Elle explique: "Certains attendent, laissent mûrir leur pensée. Mais il faut combattre ce complexe de prétendue jeunesse, avancer des idées, réunir des gens et montrer quà la trentaine, à lâge où Jacques Chirac était secrétaire dEtat, on peut réfléchir." A bon entendeur Et de fait, cette dernière association est devenue un de ces laboratoires didées qui pensent la France de demain, dégagent la route, débroussaillent, délivrant un message républicain appuyé et construit. Sa méthode? "Des intervenants de qualité et très divers - écrivains, élus, journalistes, libres penseurs, juristes, sociologues, opposants à lordre établi, etc. - faisant des propositions sur des sujets dont tout le monde parle mais sur lesquels personne nagit." Des noms ? Susan George, Jean-Claude Guillebaud, Philippe Séguin, Jean-Claude Barreau, Denis Tillinac, Evelyne Sullerot ou encore Henri Guaino, le fondamentaliste républicain, qui finira par associer étroitement Corinne à sa campagne dans le 5e arrondissement lors des dernières municipales. Corinne sanime: "Ce fut une épreuve terrible - le contexte était abominable - mais une expérience formidable. Jai pu mesurer les limites dune approche intellectuelle de la politique et dune campagne très conceptuelle." Approche vouée à léchec? Silence, avant dajouter, optimiste : "Non, je respecte trop la démocratie et lintelligence pour penser cela..." Il la toisait et lui disait: "Vous savez Mademoiselle Fayolle, on ne fait pas un élu à partir de rien." Elle ne lui en a pas voulu. Elle ne sest pas démontée. Dans sa tête, Corinne a corrigé "Cest Madame ". Puis, le regard clair, elle lui est rentrée dedans "parce que cest ce quil cherchait." Corinne est née à Villetaneuse. Des fenêtres de lappartement familial, on ne voyait que des voies ferrées sous d'énormes pilônes électriques. Cela voulait dire que la vie était toute tracée, quil ny avait pas dautre chemin. Aujourdhui, elle suit la route quelle sest choisie
Portrait écrit pour Génération Terrain par Chasseurs de nouveaux talents politiques |
||
Insupportable odeur de formol |
||
Une rencontre avec la Sorbonne |
||
Je respecte trop la démocratie pour penser cela |
||
Télécharger (format pdf) : |