Renaud Dutreil


La
rencontre...


La désignation démocratique des candidats pour les élections est-elle pour demain ou pour après-demain...? Faut-il instaurer un age de retraite pour l'homme politique ?

Renaud Dutreil, président de l'Union en Mouvement, répond aux questions de Génération Terrain

 

 

Génération Terrain - 577 élus, 18 ont moins de 40 ans, soit 3%. Pas un élu à droite n'a moins de 35 ans. 55 femmes dont seulement 13 à droite. En terme de renouvellement comme de parité, la droite est incapable de se prendre en main. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Renaud Dutreil - Je crois que ce n'est pas dû à de la mauvaise volonté mais à une organisation très conservatrice qui protège les plus anciens dans le système. L’Union en Mouvement (UEM) est un moyen de répondre à ce blocage du système politique français. En faisant monter des générations nouvelles, des gens qui ne sont pas chevronnés dans les partis politiques, qui n’ont pas fait toute une carrière d’apparatchiks, mais qui viennent de la société civile. Nous souhaitons ouvrir largement nos rangs et les responsabilités à de « nouvelles têtes ». Pour ça, il ne faut pas avoir froid aux yeux. C’est extrêmement difficile de bouleverser un système politique aussi ancien et figé que le nôtre. Un bon moyen de faire avancer les choses est la démocratie, tout simplement. Je fonde beaucoup d’espoirs sur l’élection par la base à tous les échelons, aussi bien pour la désignation des candidats aux élections que pour celle des responsables du mouvement. Si l’on permet à un corps électoral de s’exprimer, il est souvent beaucoup plus audacieux que les états-majors. Il faut donc inverser cette pyramide de la désignation élective, trop verrouillée au sommet. D’autres mouvements politiques s’y sont essayés avant nous. C’est ce système là que je souhaite mettre en œuvre dans l’Union en Mouvement.


Faut-il alors instaurer un seuil minimum de votants ?

Oui. Prenons, par exemple, une circonscription de 100 000 habitants. On peut souhaiter que le candidat de l’Union en Mouvement soit désigné par les adhérents de cette circonscription, mais s’ils sont 15, ce n’est plus une élection démocratique. Il faudrait instituer des seuils d’adhérents, à partir desquels cette désignation par la base prendrait tout son sens. Par exemple, mille adhérents pour une circonscription législative. Cela nécessite que nous constituions avec l’UEM un vrai parti populaire, composé d’un très grand nombre d’adhérents. Délibérément, nous avons fixé un niveau très faible de cotisation - 5 euros minimum environ - pour permettre à tous ceux qui estiment avoir leur mot à dire d’adhérer.


Et tant qu’ils ne sont pas 1000, on fait quoi ?

Tant qu’il ne sont pas 1000, on essaye de choisir le meilleur…


Mais là, quelle que soit la formation politique, on en est loin… Le RPR par exemple c’est en théorie 80 000 adhérents. Divisez ça par 36 000 communes ou 577 circonscriptions… Et on peut faire le même calcul avec les autres partis de droite.

C’est vrai et c’est pourquoi il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Pour constituer une démocratie, il faut un peuple qui vote. On ne peut faire de démocratie sans le peuple. Quand nous aurons constitué ce vaste corps électoral, la démocratie deviendra vivante. Et je pense qu’avoir 1 000 adhérents à l’Union en Mouvement par circonscription, ce n’est pas impossible. C’est peut-être difficile à Paris, mais dans beaucoup de circonscriptions, c’est facile. On peut descendre le seuil à 500 si vous voulez.

Alors en attendant, qu’est-ce qu’on fait ? Eh bien on essaye de désigner le meilleur candidat ou le moins mauvais.


Si dans une circonscription l’UEM arrive à rassembler 500 ou 1 000 militants, elle fera voter ses adhérents dès la prochaine élection ?

A titre personnel, je le souhaite. Maintenant, je ne suis pas seul dans l’Union en Mouvement. Pour l’heure, la désignation des candidats aux élections législatives est entre les mains des partis politiques, le RPR, l’UDF et DL qui ont entrepris un important travail de négociation et de pré-investiture.


Vous en êtes le Président, non ?

Je suis le Président de l’UEM effectivement, aux côtés d’Hervé Gaymard et Dominique Bussereau qui l’ont fondée avec moi et les 20 fondateurs initiaux. Je souhaite que notre futur mouvement soit très moderne, très démocratique, très audacieux sur les modes de désignation. Je m’efforcerai de faire partager ces idées.


Etes-vous concrètement pour un âge de retraite de l’homme politique?

La jeunesse d’un homme n’a souvent rien à voir avec l’âge de ses artères mais oui, je suis favorable à une limite d’âge pour l’accès à un mandat électif. Il me semble que l’on pourrait proposer que la dernière candidature ne soit pas déposée au-delà de 70 ans.


Quel que soit le mandat ?

Oui. C’est-à-dire qu’un candidat de 69 ans peut se présenter à une élection, un candidat de 71 ans ne le pourrait plus. Par exemple avec un mandat de 6 ans comme le mandat municipal, vous vous présentez à la veille de votre 70e anniversaire… et cela vous conduit à 76 ans pour votre dernier mandat…


Dans le système actuel, les sortants sont sacrés. S’ils décident d’y retourner, ils y retournent. Personne ne peut leur dire "Ca risque d’être le combat de trop."…

Dans mon département, l’Aisne, la droite a perdu le Conseil Général précisément parce qu’elle reconduisait systématiquement les sortants qui le souhaitaient. Dangereuse gestion des ressources humaines. Aujourd’hui, dans ce département, j’essaye de convaincre les plus âgés de préparer leur succession. Beaucoup l’ont fait spontanément. C’est un système qui peut aussi avoir son inconvénient : le sortant choisit son dauphin. On peut imaginer qu’il fasse le mauvais choix.

Ce système, nous l’avons mis en place lors des dernières cantonales, et il a plutôt bien fonctionné. Moi-même, je suis devenu député parce qu’un député âgé de 73 ans, André Rossi, m’a pris comme suppléant et m’a permis de rentrer en politique à l’âge de 34 ans. J’ai eu la chance de rencontrer un homme prévoyant, capable de préparer l’avenir. Dans le milieu politique c’est trop souvent "après moi le déluge" et si ce n’est pas le déluge, c’est la défaite. La nature humaine est ainsi faite que l’on se croit souvent irremplaçable.


Dans votre dernier livre "la République des Ames Mortes", vous dîtes "n’avoir que faire de ceux qui s’intronisent conducteur de nation sans jamais avoir conduit un village". Entendez-vous par là que pour devenir un bon député, voire un bon ministre, il faut d’abord avoir été un bon maire ou bien cela veut-il dire que le cumul d’un mandat local et national est nécessaire ?

Le propre de l’homme politique, c’est la connaissance de l’être humain. Cela ne s’improvise pas, cela n’a rien à voir avec le diplôme ou le niveau d’études. Cette connaissance empirique et parfois indicible se développe au contact du prochain. Lorsque vous dirigez un Etat, vous voyez qui ? Des fonctionnaires, des hommes politiques comme vous. Vous n’avez pas cette diversité de contacts qui vous permet de sentir, de deviner, de comprendre une population. Cet apprentissage est indispensable. L’exercice de la vie élective locale est la meilleure formation à la démocratie.


Au même instant, durant le même mandat ?

Non. Je suis contre le cumul des mandats. Le mandat local doit être une étape dans la vie d’un homme politique. Les hommes politiques qui sont arrivés tout de suite aux manettes du gouvernement, sans connaître la rude école de la vie locale, ont perdu quelque chose, pour eux-même et souvent pour leur conduite des affaires.


C’est une sorte d’escalier, de hiérarchie ?

Il y a un aspect escalier - ce qu’on appelait autrefois à Rome le "cursus honorum" - on passe par des étapes qui sanctionnent une progression. En réalité, c’est aussi beaucoup plus que ça. C’est surtout la découverte de la réalité physique, culturelle, affective d’un peuple. Imaginez la différence entre un chercheur qui étudie l’être humain en laboratoire et un médecin qui soigne des gens toute la journée : ils n’auront pas la même perception de la réalité. L’un s’en tiendra à une approche rationnelle. L’autre agira en fonction d’une expérience inestimable. Il faut arrêter de faire de la politique en laboratoire. Il faut faire de la politique de terrain. C’est d'ailleurs le nom de votre association… Et le terrain, il faut y être. Souvent, avec cœur, même si c’est parfois éreintant ou ingrat.


La politique est un métier pour vous ?

Non. Pour moi, la politique c’est beaucoup plus qu’un métier. C’est une vocation qui vous appelle toujours un peu plus loin de la ligne d’horizon initiale…


"Non, c’est beaucoup plus qu’un métier", donc c’est un métier ?

Il y a dans la politique une partie qui est le métier. Le métier qu’est-ce que c’est ? C’est l’activité professionnelle. Il est évident que quand on fait une activité politique à plein temps, ce qui est mon cas, on peut dire que c’est un métier. Mais pour la plupart des gens, un métier est enfermé dans une partie de l’existence. La vie politique ne connaît guère de frontières… elle envahit la vie privée. Elle est passionnante et comme toutes les passions elle s’étend au-delà du cadre professionnel. Au détriment parfois de la vie familiale. C’est très dommage parce que la vie familiale est un facteur d’équilibre chez les hommes et les femmes politiques et souvent on se rend compte que certains manquent cruellement de cet équilibre.


Qu’êtes-vous prêt à faire pour soutenir l’émergence d’une génération issue du terrain aux prochaines élections législatives ?

L’Union en Mouvement est la matrice d’une nouvelle génération. On ne met pas du vin nouveau dans les vieilles outres… Et le vin nouveau ce sont les nouvelles générations qui arrivent. Il faut pour cela une nouvelle façon d’organiser la vie politique.

Aujourd'hui, dans le Conseil des Orientations de l’UEM, il y a beaucoup plus de jeunes qu’il n’y en a dans les autres formations politiques. Des associations comme la votre a vocation à en faire partie, c’est pour cela que je vous ai demandé de rejoindre ce Conseil.

Deuxième point, il faudrait pour les élections législatives que le suppléant soit systématiquement un jeune. Chaque fois qu’un candidat à la députation a une bonne chance d’être élu il devrait systématiquement donner sa chance à la génération montante, au lieu de chercher un suppléant accommodant. Le suppléant c’est quelqu’un qui démarre, qui va être connu dans la circonscription, c’est un bon moyen de renouveler la classe politique. Eh bien ce suppléant devrait être systématiquement jeune ! Voilà ce que je pourrais proposer.

Autre chose, quand vous avez une alternance politique, vous avez beaucoup de jeunes qui arrivent. En 1993, beaucoup de jeunes députés ont accédé au Parlement. Les circonscriptions faciles, elles sont convoitées et donc tenues par des gens qui sont là depuis très longtemps. C’est souvent dans les circonscriptions difficiles qui germent les jeunes pousses. Nous espérons qu’en 2002, il y aura beaucoup de jeunes candidats aux élections législatives….

 

Propos recueillis par Pierre Vallet Président de l’association Génération Terrain.
Janvier 2002

 

Réagissez !

La rencontre... Renaud Dutreil (format pdf)

Chasseurs de nouveaux talents politiques

 

 

Accueil Qui sommes-nous? De nouveaux talents Pourquoi pas vous? Vos idées Nous écrire Tribune Adhérer Liste de diffusion On parle de nous Liens Contact Presse


Infos éditeurs   -    Nous recrutons    -      Devenez partenaire     -    Plan du site