Intérieur jour

Philippe Chazal, 48 ans. Directeur d’un centre de formation professionnelle pour adultes non et mal-voyants, avocat, père de famille, Président de la Commission Travail de l’Union Européenne des Aveugles. Développe son approche apolitique de la modernisation sociale…
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Il lui arrive encore de rêver qu’il fait de la moto. Ou qu’il contemple cette mer qu’il imagine «pas très différente de ce qu’elle est, un peu comme ces grandes étendues du Puy de Dôme où l’horizon rejoint le ciel.» Nous ne l’avions peut-être jamais vue comme cela.

Philippe Chazal est non voyant. Il a perdu la vue à 10 ans, «un bon âge pour perdre la vue, confie-t-il, suffisamment tôt pour se réadapter et pas trop tôt pour garder le souvenir des couleurs, de l’espace…» Alors, s’il n’est «évidemment pas content d’être aveugle», il n’a pas de regrets, un peu comme ces jockeys qui ne peuvent maudire ce handicap qu’on leur impose, handicap avec lequel ils ne doivent pas faire aussi bien mais mieux que les autres... Et puisque Philippe ne pouvait plus, comme ses parents, être boulanger, il fallait bien le «pousser dans les études».

Les parents de Philippe n’ont pas dû le regretter. Après son bac littéraire, direction la faculté de droit de Clermont-Ferrand. Maîtrise puis Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat. L'école nationale de la santé publique de Rennes et un DEA de droit social. Un truc «assez innovant pour l’époque…» et néanmoins de plus en plus répandu. Hélas, c’est après que les choses se gâtent… «L’intégration professionnelle des personnes handicapées est difficile, explique-t-il, et très souvent pour un petit détail. Si vous devez manipuler de l’argent par exemple. Il faut donc sans cesse trouver de nouveaux débouchés.» Et surtout casser ces antiques modèles sociétaux qui ont fait de générations de non-voyants des accordeurs de piano(*) et des rempailleurs «puisque ces gens là entendent et touchent mieux n’est-ce pas?» Non, messieurs, dames… Désolé. Simplement, ils vous écoutent et font attention à ce qu’ils touchent. Les idées reçues ont la vie longue et dure dans l’inconscient collectif. Un chiendent qui continue à prospérer, y compris dans des milieux a priori informés. Scène tragi-comique, intérieur nuit, rewind:
Le Médecin: «Comment s’appelle-t-il?»
L’épouse du patient: «Pardon?»
Le médecin: «Oui, comment s’appelle-t-il?»
Philippe, le patient, à son épouse : «Dis-lui de me le demander…»
La clairvoyance n’est pas donnée à tout le monde…

Il faut donc lutter. Contre l’ignorance, pour l’intégration professionnelle et le maintien d’un système français d’aide aux handicapés que Philippe Chazal tente sans cesse d’améliorer: «La loi française est originale. Elle n’impose pas. Et on ne peut pas imposer. Il faut surtout former des gens aussi compétents que les voyants. Il n’y a pas d’hostilité aux handicapés de la part des employeurs. Il y a un cruel manque d'information et un niveau de formation insuffisant. On laisse donc le choix aux entreprises pour atteindre les 6% d’emploi: l’embauche directe de travailleurs handicapés, une contribution à l’Agefip (ce qui permet l’adaptation des postes de travail), donner du travail aux établissements du secteur protégé (qui emploient les pluri-handicapés), passer une convention de branche, ou depuis peu, accepter des stagiaires en formation professionnelle… Tout cela est très bien vu.»

Oui. Enfin pas toujours. Le droit français témoigne encore de cette époque où le handicap quel qu’il soit était toujours assimilé à une forme de déficience mentale. Il faut donc dépoussiérer tout cela. Une tâche à laquelle Philippe Chazal s’est attelé avec parfois un certain succès. «L’immobilisme gouvernemental, de gauche comme de droite, est terrible. Il y a pourtant de grandes causes à propos desquelles on ne saurait être partisan. Pour faire avancer nos droits, je me refuse donc à un engagement de la sorte. Il faut des mois pour obtenir une modification de la loi. Si nous entrons dans ces intérêts là, nous n’en sortirions plus. Nous venons enfin, par exemple, avec le soutien de Martine Aurillac (RPR), de Marie-Claude Beaudeau (PC) et de Francis Hamel (PS), d’obtenir la révision de nos droits en matière de succession. Sous prétexte que nous touchions une allocation compensatrice de notre handicap, nous ne pouvions hériter des biens de nos parents! Est-ce que le RMI vous prive de quoi que ce soit?! Cette disposition était humiliante et imbécile. Eh bien, il nous a fallu batailler deux ans pour obtenir deux lignes au JO.»

Deux lignes au JO, sa course d’endurance à lui. Une mobilisation de tous les instants qui l’a même poussé à organiser des manifs, monter dans les camions de la CGT, se la jouer agit-prop au mégaphone (scander: «Donner-c’est-aider – Reprendre-c’est-voler»)… Comme ce 21 octobre 2000 où 1500 «miros», comme il dit, ont fait reculer les CRS, canne blanche contre casques noirs. Les journaux n’en ont pas parlé. Ce jour là, Bernard Tapie revenait à l’OM. Certains partent vraiment avec un handicap. Mais il en faudra plus pour décourager Philippe. Il nous en faudra plus également. L’engagement collectif est pris. C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière (**).

(*) Philippe Chazal est l’auteur d’un livre «Les aveugles au travail» recensant les différents métiers effectués par des non-voyants dans le monde: boulanger, photographe, député…

(**) Edmond Rostand.

 

Portrait écrit pour Génération Terrain par
Camille Vincent

Ses trois propositions

Son CV (format pdf)

Chasseurs de nouveaux talents politiques

Il a perdu la vue
à 10 ans

Ils vous écoutent

L'immobilisme gouvernemental est terrible

Il en faudra plus pour décourager Philippe.

 

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