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Le demi bleu
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Olivier Carracilli, 31 ans. Créateur dentreprise, bénévole des "Restos du cur" et militant du Ministère de la bouffe. Sengage aujourdhui en politique pour faire bouger les choses.
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Mon CV (format pdf) | |
Mes trois propositions |
Jai rencontré Olivier il y a quelques semaines dans un club rassemblant sous légide du Sénat des professionnels de lInternet, des entrepreneurs comme lui, des syndicalistes comme moi. Nous y travaillions sur la rédaction dun rapport censé éclairer nos élus sur la "fracture numérique", une terminologie hospitalière et aseptisée pour dire quInternet est réservé à quelques "happy few" et que peu de gens savent sen servir, ce qui nest pas dramatique aujourdhui mais demain Première discussion informelle. Olivier avait monté sa "web agency" en 1998 avec 2 amis et créé six emplois. Il était essentiellement là pour faire des propositions concrètes basées sur son expérience dentrepreneur Au fil de la conversation, je lui parlais de Génération Terrain et de notre volonté de promouvoir de nouveaux talents politiques dans le cadre stricte de la méritocratie. Olivier exprimait tout de suite son intérêt pour cette action. Passionné de politique mais rebuté par la basse cuisine des états-majors, le bien vouloir, le bon plaisir et les serments dallégeance des entourages, il navait encore jamais mis les pieds dans une formation politique daucune sorte. Pourtant, lengagement ne lui était pas étranger mais plutôt du côté associatif. Et Olivier dévoquer son travail de bénévole aux restos du cur, dans les "camions" plus précisément, ceux qui narrêtent quun mois dans lannée et qui distribuent des repas 3 fois par semaine aux 4 coins de Paname, là où lon tolère encore les attroupements de miséreux, de va-nu-pieds, de pauvres, daffamés, de désoeuvrés, de clodos, de tous ceux dont notre société ne supporte le spectacle quau travers de lhygiaphone télévisé pépédéesque. Echange de bons procédés, je conviais Olivier à une réunion prochaine de Génération Terrain tandis quil minvitait à passer, à loccasion, donner un coup de main aux restos. Le lundi suivant, je lui faisais une première visite, au croisement du boulevard Arago et de la rue du Faubourg Saint-Jacques. Deux à trois cent personnes étaient là. Ce rassemblement nétait pas pour moi une découverte. Habitant du quartier, javais remarqué ces distributions de nourriture - pour moi, cétait la soupe populaire, un truc comme ça - mais je ne métais jamais attardé. Olivier était là et me guida dans mes premiers pas de bénévole. Rapide présentation à léquipe puis je me retrouvais derrière deux énormes bacs de soupe. Les gars ont commencé à défiler, une bonne heure de travail à la chaîne :dire bonjour, prendre lassiette, la remplir de soupe, tendre lassiette, dire "voilà" puis bonjour Ce soir là, nétait pas un soir comme les autres. La direction des Restos venait de décider le remplacement prochain des plats chauds (viande et légumes) par des sandwiches. Ailleurs, dans Paris, certaines équipes de bénévoles avaient préféré se mettre en grève. Ici, on était simplement triste et inquiet: nétait-on pas en train de tuer lesprit des Restos? Gilles, Elsa, Mélanie, Elisabeth, Moussa, Estelle en débattaient tout en servant à manger aux "bénéficiaires" comme on dit dans le jargon du Cur, parce quils ne sont pas tous SDF et que SDF ça ne veut rien dire, cest froid comme lhiver SDF, un peu comme LCI, KGB ou CAC 40 Jobservais Olivier. Il discutait... Il y a une hiérarchie invisible entre les bénévoles. Dabord la soupe parce quil ny a pas trop de monde. Puis le café parce que les gens sont détendus. Puis la bouffe parce que là, il faut savoir dire non, je ten ai donné assez, il en faut pour les autres Et pour les plus anciens, il y a la tchache, tout simplement parce quil faut du temps pour construire une relation qui napparaisse pas factice. Alors Olivier ne distribue plus la soupe, le café ou les sandwiches. Olivier, il parle. Il est là pour maintenir le lien, le rétablir parfois. Depuis, nous nous sommes revus plusieurs fois. Olivier nous a adressé timidement son CV, a rencontré léquipe de sélection de Génération Terrain, équipe qui na pu que constater la fraîcheur de son engagement politique, un certain manque de hargne, de volonté dy arriver, décraser les autres pour se valoriser Toutes ces choses que les nouveaux arrivants expriment rarement quand les plus anciens présentent presque leur arrivisme comme une école de pensée ("Si tu nes pas ambitieux pour toi-même, tu nes pas ambitieux pour tes idées, nest-ce pas?"). Je pense à la "Première gorgée de bière" de Philippe Delerm... Quand il avait 5 ans, dans la banlieue, à Saint-Denis, sa ville, à la veille dune élection, son grand-père lui disait, "Tiens, je te donne ma voix. A qui la donnes-tu?" Puis ils en discutaient longuement. 26 ans plus tard, Olivier sait ce quil souhaite faire de cette voix. Il entend semparer dun mégaphone et demander la création dun ministère de la bouffe parce que nous sommes au 21e siècle et que si le logement est un droit, que dire de la nourriture? Enfin, léquipe de Génération Terrain a sélectionné Olivier en tant que "nouveau talent". Sans doute nest-il pas "mûr politiquement", un bleu, un "rookie", un nouveau né. Mais des profils comme le sien sont une richesse et manquent en politique. Dailleurs, depuis 1998, remarque-t-il, je suis le premier "politique" quil ait croisé un lundi soir. Les premiers pas sont toujours les plus émouvants.
Portrait écrit pour Génération Terrain par Chasseurs de nouveaux talents politiques |
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La fracture numérique |
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Son engagement dans les équipes des restos du coeur |
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Il est là pour maintenir le lien |
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